CultureS Shanghai
Juin 2019…le temps des départs prend place, dans ce mouvement de va et vient qui a toujours rythmé Shanghai, historiquement terre d’asile ou d’espoir, terre de labeur ou terre d’échanges intellectuels ou commerciaux.
À Shanghai vous avez tissé des liens forts, votre regard sur le monde aura peut-être même changé, parce-que l’expatriation génère de l’intensité, dans tous les domaines de nos vies.
Alors vous emporterez sans nul doute, une partie de son énergie, de son esprit d’ouverture, qu’elle démontre par exemple, au travers de sa riche programmation culturelle. Vous garderez ou partagerez peut-être les émotions ressenties lors de spectacles, d’événements ou de découvertes de lieux chargés de son histoire.
Tout comme l’Occident, la Chine au travers de Shanghai, souvent pionnière dans les expérimentations nationales (économique, urbaine ou en termes de créativité), a organisé un Flash mob ou « mobilisation éclaire »… bon c’est sûr, traduit ça sonne moins bien !
Né en 2003 à New-York, dans le quartier de Manhattan, ce type d’événement bien connu en France, s’est déroulé cette fois dans le district de Hongkou. Il a rassemblé artiste, animateur, mannequin ou sportif vedettes, Cao Kefan, Gao Bowen, Yin Renjun, et quelques autres, sur l’air de « Mon pays et moi ». Tout était là pour créer la surprise (principe du Flash mob) et donc l’émotion : l’immense drapeau rouge aux 5 étoiles, se déroulant majestueusement sur la façade du « White Magnolia Plaza », les groupes se rassemblant lentement sur une place centrale, un chant connu de tous, des musiciens, des petits drapeaux rouges qui s’agitent et bien-sûr des caméras pour immortaliser tout cela.
Un aperçu (source Shine) :https://www.shine.cn/news/metro/1906176837/
Vous l’aurez compris, ici la prouesse artistique n’est pas une fin en soi, mais elle est mise au service de la fibre patriotique, qui demande parfois une petite cure de rappel auprès du peuple…
En juin, Shanghai se pare d’une certaine luxuriance végétale, même si son ultra minéralité n’est pas remise en cause. Elle fait de même pour son offre culturelle, dont la dynamique s’accélère : Journée du patrimoine culturel et naturel (merci Jack pour l’inspiration !), Festival International du Film de Shanghai, Fête de la Musique (encore Jack sur le concept !).
(Crédit photo : Olesia)
Du 21 au 23 juin, Pudong, Huangpu, Changning, Yangpu, Minhang, Hongkou... tous les districts ont joué le jeu et les partitions. Il y a aussi les nombreuses expositions dans les galeries et musées, les concerts, les récitals.
Partageons quelques événements…
Festival de Musique

10 ème Festival « Music in the Summer Air » (MISA) par le Shanghai Symphonic Orchestra (SSO)
Du 2 au 15 juillet 2019. Shanghai Symphony Hall - Concert Hall
Adresse : 1380 Fuxing Zhong lu, District Xuhui (上海市复兴中路 1380号)
Métro : Lignes 1 et 7, St. Changshu road, sortie 4.
Tel : 400 821 0522 ; Site : http://www.misa.org.cn/home/index/en
Ticket : https://shsymphony.com/

MISA, Music in the Summer Air, c’est le projet ambitieux du prestigieux Shanghai Symphonic Orchestra, afin de partager leur passion de la musique classique, en lui donnant un nouveau souffle. Ceci, grâce au mélange des genres ou par des collaborations artistiques étonnantes. Ce fut le cas de la reprise de « Dark Side On The Moon » de Pink Floyd, par un groupe français « Compagnie Inouie »…avec de drôles de machines comme des caisses enregistreuses, au centre de la scène.
Un aperçu : https://www.youtube.com/watch?v=tw04pKRIX94
D’autres contributions comme Alexandre Desplats, le grand compositeur pour le cinéma, John Cale, ou B6, DJ Shanghaïen qui s’est produit avec le SSO.

En décloisonnant la musique classique, MISA lui amène aussi, un nouveau public jeune et curieux. MISA est co-présidé par Long Yu (directeur musical de l’orchestre symphonique de Shanghai) et Charles Dutoit (directeur musical du Royal Philharmonic Orchestra, dont je vous parlais dans le CultureS Shanghai d’avril 2019).
Le Programme : http://www.misa.org.cn/preview/index/en
En bleu : événements au « Shanghai Symphonic Hall- Concert Hall »
En jaune : événements gratuits au « Shanghai Urban Music Lawn » (près du Shanghai Concert Hall : 523 Yan’An dong lu).
En rose : promotion des jeunes artistes.
Cette année, à voir : SSO joue Peer Gynt, Colin Currie Group joue Steeve Reich (pionnier de la musique minimaliste contemporaine : https://www.youtube.com/watch?v=PDZ_ClUc9HU) etc.
Merci à Caroline de « Dernier Cri ».
Photo

« 1984 » Lois Conner / « Fireflies » Hiroshi Meada/Shan Feiming
M97 Shanghai (Gallery&Project Space)
Adresse : 363 Changping lu/Shaanxi Bei lu, Bldg 4 1F/2F Jing’an Qu.
(静安区昌平路363号4幢1楼/2楼).
Mardi au dimanche 11h-18h.
Métro : Ligne 7, St. Changping lu, sortie 2.
Tel : 6266 1597 ; Site : WWW.M97GALLERY.COM
Info :INFO@M97GALLERY.COM
Créée en 2006, cette galerie spécialisée dans les arts photographiques, resta 10 ans sur la Moganshan lu. En 2016, elle emménage dans d’anciens ateliers réhabilités des années 40, pour se rapprocher du centre. Elle représente une trentaine d’artistes (Chinois et internationaux). La galerie expose environ 2 artistes /an.
Au rdc : 1er espace de galerie, un studio de montage et d’encadrement pour beaux-arts, petit espace d’exposition, l’espace administratif.
Au 1er étage : Pour l’atteindre, il vous faudra suivre un couloir au milieu de studios d’entreprise et monter un escalier au fond à G. Là, vous découvrirez un deuxième espace d’exposition, tout en longueur, au sol en béton ciré. Au bout une bibliothèque puis un étonnant long passage sur le toit, avant de redescendre vers la sortie.
L’objectif de M97 Shanghai :« promouvoir et développer l’appréciation de la photographie en tant qu’art moderne et contemporain en Chine. ». Notons que c’est un média difficile économiquement et tout ne peut être montré…
Son actualité :
La photographe américaine Lois Conner. Venue en 1984 faire des photos dans la province du Guangxi, elle est impressionnée par l’aspect surréaliste des paysages, représentés depuis des siècles dans la peinture classique chinoise. On retrouve dans les clichés, sa préférence pour le panoramique, plus proche d’un format cinématographique, comme une histoire qu’on raconte.

Elle apprend le chinois en 1988 à l’Université de Beijing. Imprégnée par la culture chinoise, son regard s’affine et transforme la réalité : les lotus desséchés sur le lac de Hangzhou, deviennent par exemple autant de Hànzì « calligraphiés » à la surface de l’eau.
Chaque année elle revient en Chine pour y puiser une nouvelle inspiration.
« 1984 » est une sélection de photos de ses premiers voyages en Chine (Guangxi, Beijing, Huangshan). Paysages et visages d’une autre époque sont présents. Pour cette grande voyageuse, la photo « révèle sa relation entre le tangible et l’imaginaire, la réalité et la fiction ». Dans les scènes représentées, l’Homme n’est qu’une partie de la Nature. Il ne la maîtrise pas encore, ne la détourne pas autant à son seul avantage...
C’est sa deuxième exposition solo chez M97 Shanghai.
Hiroshi Maeda, photographe japonais de 63 ans, poursuit toujours les lucioles ! Rassurez-vous rien d’étrange, mais plutôt sa volonté de témoigner à travers son travail, des effets sur certains lieux, de l’anthropocène. Les lucioles sont en effet le signe d’une bonne qualité de l’air et des eaux. Celles-ci revenues, l’artiste montre de manière poétique « la possibilité d’inverser les effets néfastes de l’homme et de l’industrie sur l’environnement. »
Il utilise des temps d’exposition longs et des images superposées. Ces noirs sont renforcés par des pigments de charbon de bois.
Il a étudié la peinture à Tokyo puis à Paris à l’EnsAD. Il y est professeur pour le département photo. « Fireflies » est sa 1ère expo solo à M97 Shanghai.
Peinture/sculpture

« In Between Days IX ».
Jusqu’au 31 août 2019. Art + Shanghai Gallery, du mardi au dimanche, de 10h à 19h.
Adresse :191, Nan Suzhou lu/Sichuan lu, Huangpu District.
Métro : Lignes 10 et 12, St. Tiantong road.
Tel : +86 21 6333 7223 ; Contact : contact@artplusshanghai.com
Site : www.artplusshanghai.com
Dans cette ambiance presque de fin d’année, avant la trêve estivale, Art+ Shanghai Gallery nous propose pour la IXème édition, toujours à cette période, une exposition de différents artistes qu’elle représente déjà. Mais ce sera une 1ère pour Sha Shuang et Ouyang Sulong , tout juste diplômés de la prestigieuse CAFA (Institut des Beaux-Arts de Beijing) et repérés lors du concours final. La majorité des œuvres est inédite, les techniques et matériaux employés, variés.
Ce type d’exposition collective, permet de découvrir une bonne partie de l’ADN d’une galerie. Sept artistes sont représentés : Sha Shuang, Tan Danwu, TuCho, Wang Haichuan, Zhang Wen, Zhang Zhenxue, Ouyang Sulong.
Pour certains d’entre eux, ce fut l’occasion de travailler de nouveaux matériaux, avec de nouvelles techniques, comme Zhang Zhenxue. Dans sa dernière série, il peignait l’abstraction de l’eau, là il joue avec l’espace positif et négatif d’une sculpture fine en acier peint. La lumière lui assure une 3ème dimension.
Cette série est plus « sombre » dans les 2 sens du terme : le noir remplace les bleus, les êtres semblent vivre des moments extrêmes : un dernier baiser « Castle », un couple de dos se soutient « Rescue »…
Pour Tan Danwu, le monde est plutôt blanc ! C’est celui de la porcelaine chinoise qu’il réinvente et détourne. Sculpteur né en 1986 dans le Hunan, il passe des représentations presque abstraites de la folle urbanisation en Chine, dans sa dernière exposition (Nov 2017), à un univers plus ancien et chinois avec un palais (triptyque) et une pagode, toujours en élégantes « gaufrettes » de porcelaine d’une fausse légèreté.
Technique : Tan Danwu a réutilisé en fait, la forme gaufrée des supports internes des pièces de porcelaine, avant cuisson. Il en fait un positif de porcelaine par moules successifs. Noir, du trait de rehaut et blancheur immaculée de la porcelaine, rappellent la tradition chinoise et sa sobriété des couleurs parfois, afin de valoriser la forme.
Zhang Wen reste dans son monde de l’enfance et son discours sur l’innocence, décrit un monde sans adulte, où des petits personnages goûtent la joie de l’instant et de la découverte. Sa maîtrise de la technique des encres couleur sur papier de lin, donne une esthétique japonisante, à ses paysages.
Wang Huichan fait figure d’ancien au milieu de ces jeunes artistes. On peut dire qu’il a eu déjà plusieurs vies. Pour lui, l’Art ne peut être déconnecté de ce que vivent ses Frères. Il crée des ateliers sociaux d’art, auprès des ouvriers des mines de cuivre sans emploi, ou de la population de quartiers en destruction, en utilisant des photos faites par elle dans son travail.

(Crédit photo : B. Maugein)
Il présente 2 sculptures : 2 « portes/ rébus », auxquelles il donne une nouvelle vie, un nouveau sens, une nouvelle esthétique grâce à la peinture, aux collages etc. À vous de jouer avec votre imaginaire…
Wang Huichan a un vrai succès auprès des collectionneurs allemands notamment. Il va d’ailleurs faire une masterclass à Dusseldorf… qui financera sans nul doute, de nouveaux projets sociaux !
TuCho : Artiste espagnol et galeriste lui-même, sur la rive Nord de la rivière Suzhou, il continue son travail sur ses magnifiques tuniques et robes de mandarin. Faites de papier issu des feuilles de mûrier (nourriture des vers à soie) et de cocon de soie, il honore, la Chine et son histoire millénaire, dans laquelle l’artiste puise son inspiration, en associant un caractère chinois/thème par œuvre. Après l’éternité, l’Amour, le pouvoir, la
beauté etc. il présente « Jiā » 家.

C’est promis Il aura un solo show, en 2020 chez Art+ Shanghai Gallery !
Sha Shuang : Cette jeune artiste née dans le Zhejiang « présente un mode inhabituel de narration artistique » par son installation immersive.

Un décor, un canapé, une lampe, un sol, 4 surfaces de faïence, de tissus, de résine, pour nous emporter dans son univers blanc qui est parfois le nôtre, où les précieuses couleurs sont utilisées avec parcimonie.
Sha Shuang questionne « le concept de standard et de normalisation de l’ergonomie, du design » et bien plus…
Concept : Comme les poètes de la Chine ancienne interrogeaient les cieux, l’artiste en phase avec son temps, interroge…Google, via des mots clés !
Elle n’attend pas LA réponse, mais choisira une représentation qui fait sens pour elle et l’introduira dans son installation/ rébus là encore. Comment être une bonne fille (unique) ? Comment trouver son chemin entre la projection parentale et sociétale ? (représentation de la famille type chinoise : canapé)
Dans un autre endroit, une pince (de machine à sous) vous accorde les gènes de la beauté, l’intelligence, la force…ou pas, comme une sorte de loterie, dont nous ne connaissons pas la finalité.
La bodhisattva Guanyin si chère aux Chinois, est représentée sur un autre plan mais jamais loin, à l’image de sa place tourmentée dans l’histoire individuelle et collective.
Je lui demande les 4 questions qui seraient le fil conducteur de ses représentations :
Elle me répond : « Comment rester sain ? Qu’est-ce que la politique ? Comment être une bonne personne ? Comment comprendre une faute ? »
Quelle maturité et à la fois quelle fraîcheur dans ses propos ! C’est souvent le cas lors de mes interviews de jeunes artistes. Aurions-nous à apprendre d’eux ?...
Certaines œuvres présentées pour « In Between Days IX » sont assez surprenantes et leur mélange dans un même espace ne peut laisser indifférent.
Dessin
« The Drawing Hand » .

Jusqu’au 31 août 2019. Danysz Gallery,
Adresse : The Independents House, 256 Beijing East Road (x Jiangxi Road)
Métro : Lignes10 et 2 St.Nanjing East road.
Du lundi au samedi de 10h à 18h, dimanche de 12h à 18h.
Site : www.magdagallery.com ;
Contact : info@magda-gallery.com Tel : +8621 6333 1016.
C’est la 6ème édition de « La Main » pour Danysz Gallery et le dessin sera roi ! La galerie spécialisée dans le Street Art, revient aux fondamentaux des Beaux-Arts.
Son Académie ne disait-elle pas que « le dessin est l’art même puisque sans dessin l’art ne peut exister ». Son apprentissage était un socle commun des artistes et une "étape indispensable à l’élaboration de l’idée créatrice".
Puis les temps ont changé…mais cette proposition de Magda Danysz est intéressante.
Elle demande aux artistes de tous pays qu’elle représente, de lui proposer un dessin, quels que soient leurs médias habituels, chacun invitant un autre artiste. Plus de 50 artistes et 80 œuvres présentées.
Au regard de la multitude des interprétations proposée, on comprend que le terme « dessin » n’est finalement pas limitatif et que ce challenge enchante la créativité des artistes.
Mais aussi parce-que pour les artistes chinois, "huà 画" a un sens bien plus large, un même mot désignant dessin, peinture. Le même geste de l’artiste unifiant les 2 techniques. La couleur sera donc au rendez-vous...et nous aussi !

À bientôt
Bonnes vacances et pour ceux qui quittent Shanghai, je vous souhaite bon vent…restez curieux, optimistes, gardez la belle énergie de Shanghai !
Françoise BOURRY-MAUGEIN
culture@shanghai-accueil.com
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